Certains contrats informatiques durent très longtemps. Il est difficile de les arrêter en quelques semaines.
Dans l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 mars 2021 (Cour d’appel de Paris, Pôle 1 – chambre 3, 31 mars 2021, n° 21/02172), on apprend qu’ATOS travaille avec l’éditeur de logiciel Computer Associates (CA) depuis 2007.
Leur dernier contrat de licence était valable de mai 2018 à mai 2023.
ATOS avait commandé des logiciels à CA, qui servaient à gérer ses plateformes d’hébergement. ATOS payait une licence d’environ 15.000.000 €/an.
CA lui a écrit en mai 2020 pour se plaindre car ses factures étaient payées en retard. Des négociations ont lieu, avec des rebondissements, et CA résilie le contrat en acceptant de le prolonger jusqu’au 30 juin 2021 pour laisser le temps à ATOS de changer de logiciel.
ATOS considère le délai trop court et demande le 22 décembre 2020 au juge des référés du tribunal de commerce de Paris de prolonger de force le contrat. Le juge rejette sa demande le 15 janvier 2021.
ATOS fait appel en urgence, l’affaire est plaidée le 9 mars et la décision est rendue le 31 mars 2021.
Cette chronologie permet de souligner que, quand c’est nécessaire, la justice sait aller vite. Il s’est seulement écoulé trois mois entre l’assignation devant le premier juge et l’arrêt de cour d’appel. Il y avait dans ce délai les congés de fin d’année et tout cela dans une période de pandémie avec des mesures de confinement.
La décision de la cour d’appel est pleinement satisfaisante pour ATOS : la cour prolonge les effets du contrat jusqu’au 30 juin 2022.
Juridiquement, la décision ne se fonde pas sur le fait que la résiliation prononcée par l’éditeur était irrégulière.
La cour s’appuie sur le texte de l’article 873 du code de procédure civile qui permet à un tribunal de prendre « toutes mesures » justifiées par « un dommage imminent ». Dans ce cas, on ne s’intéresse pas au « trouble manifestement illicite » qui serait constitué par une résiliation irrégulière.
Il faut donc prouver qu’il y a un dommage imminent. ATOS a convaincu la cour d’appel que le changement de logiciel devait prendre un temps important, car ce logiciel est l’outil de base des infrastructures mainframe gérées par ATOS pour ses clients. Comme l’éditeur avait reconnu qu’il fallait au moins un an pour changer ce type de logiciel, la cour a ordonné la poursuite de l’exécution du contrat jusqu’en juin 2022.
Il est rare qu’une juridiction utilise ce texte de l’article 873 du code de procédure civile pour forcer la poursuite de l’exécution d’un contrat. On en avait eu un exemple célèbre au moment du « bug de l’an 2000 » : la cour de cassation avait accepté qu’une cour d’appel prolonge de force un contrat d’assurance résilié quelques semaines avant le 31 décembre 1999 (Cour de cassation 7 novembre 2000 , Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 7 novembre 2000, 99-18.576). La seule limite posée par la Cour de Cassation était que la poursuite forcée du contrat devait être pour une durée limitée.
Quel est l’enseignement pratique à en tirer ? Même quand un contrat est valablement résilié, on peut demander un délai de grâce à un juge. Dans ce cas, il faut « muscler » le dossier en termes de preuves. C’est un pouvoir très fort qui est reconnu au juge.
La date de publication de cet article est : 13/04/2021 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information.