Un arrêt de la cour d’appel d’Amiens du 17 janvier 2019 rappelle deux éléments essentiels à propos des contrats d’intégration de logiciels : le client qui est mécontent doit faire la preuve des griefs qu’il impute au prestataire, et le client doit payer ce qu’il doit au prestataire.
L’arrêt a été rendu à propos d’une situation assez simple : une société cliente fait appel à une société informatique pour implanter un logiciel de gestion. Manifestement, les acteurs sont de petite taille et le contrat ne porte pas sur des sommes importantes, mais ce qui vaut pour un contrat à 10 000 € vaut tout aussi bien pour un contrat à 10 millions d’euros.
La procédure est assez particulière. La société cliente avait demandé une ordonnance en injonction de payer contre le prestataire, c’est-à-dire avait eu recours à une procédure non contradictoire. La société cliente avait obtenu gain de cause dans un premier temps. Puis, devant le tribunal de commerce, quand les deux parties ont pu s’expliquer, le tribunal de commerce a donné intégralement raison à la société prestataire. La société cliente n’a pas été découragée, elle a fait appel devant la cour d’appel d’Amiens. Et la particularité est que la société prestataire n’a pas constitué d’avocat devant la cour, ce qui signifie qu’elle n’a pas été représentée devant la cour d’appel. Cela s’explique par des difficultés économiques et en raison des montants en jeu (environ 6500 € réclamés).
Pourtant, comme cela arrive parfois, la cour d’appel donne tort à la société cliente qui avait un avocat, et a examiné les arguments qui avaient été développés par la société prestataire devant le tribunal. C’est un peu particulier, et on peut imaginer que les juges, quand une société n’est pas représentée, tente inconsciemment de rétablir un peu l’équilibre des forces. On l’a déjà constaté dans d’autres dossiers.
Sur le fond, la société cliente perd son procès pour deux raisons. D’une part, elle n’amène pas un dossier solide en termes de preuve. La cour d’appel nous indique qu’elle a communiqué à la cour d’appel seulement des e-mails et une attestation établie deux ans après les difficultés d’installation du logiciel de gestion. Cette attestation n’était d’ailleurs pas assez précise.
D’autre part, la cour d’appel relève que le calendrier de paiement qui était prévu dans le bon de commande n’a pas été respecté par la cliente.
Pour ces deux raisons, la demande de dommages-intérêts de la société cliente est rejetée.
Les deux questions sont liées : si la société cliente avait prouvé la réalité de ses reproches contre la société prestataire, la réponse à la deuxième question aurait sûrement été différente.
Ainsi, un client insatisfait, à condition de détenir un dossier solide de preuve, pourra retenir des paiements dus au prestataire. C’est l’application d’un principe classique, l’exception d’inexécution (articles 1219 et 1220 du code civil).
La date de publication de cet article est : 05/07/2019 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information.