Un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 23 mars 2021 (n° 19/00243) est l’occasion de rappeler quelques principes classiques en matière de calendrier du projet d’intégration.
Un projet d’intégration consiste à installer dans une entreprise (ou une association ou une administration) un logiciel de gestion. Il peut s’agir d’un logiciel de gestion de la relation clientèle (un CRM), un progiciel de gestion intégré (un ERP), ou tout autre type de logiciel.
Dans l’arrêt de la cour d’appel de Rennes, il s’agissait d’une application destinée à une clientèle de touristes. L’application était assez innovante, mais le client (la société MARNAA) avait insisté sur une livraison courant juillet 2017 pour la saison estivale. Le contrat avait été signé en mars 2017.
La livraison a pris du retard, et le prestataire (la société ARTEFACTO) a informé son client des difficultés courant juin 2017.
La motivation de la cour d’appel rappelle les principes essentiels en matière de calendrier d’un projet d’intégration : » le respect du calendrier contractuel par (le prestataire) qui avait été présenté dès l’origine comme déterminant du consentement (du client) était une obligation de résultat dont la première ne peut s’exonérer qu’en démontrant que la seconde… ne l’a pas mise en mesure d’effectuer son travail.
Sur cette question et comme dans tout marché de prestations de services informatiques réalisées en
fonction de besoins spécifiques à un client, le client a une obligation de moyens de collaboration afin de
permettre au prestataire d’ajuster au fur et à mesure ses produits. Toutefois, seul le prestataire est à même de comprendre si les informations qui lui sont fournies sont suffisantes pour lui permettre de poursuivre sa mission ou si au contraire, la collaboration de son client est inadaptée et insuffisante.
Ainsi, il appartient au prestataire, s’il estime que les renseignements fournis par son client sont contradictoires, confus, ou incomplets, de l’en avertir dans les plus brefs délais en lui expliquant
précisément ce qu’il attend de lui et en lui demandant de corriger ses méthodes. »
Tout est dit.
D’abord, le contrat peut mentionner que le calendrier est impératif. Dans ce cas, le respect du calendrier constitue une obligation de résultat. Au contraire, de nombreux contrats mentionnent des calendriers purement indicatifs. Si c’est une obligation de résultat, le prestataire est fautif et le contrat peut être annulé, si le calendrier n’est pas respecté.
La seule manière pour le prestataire d’éviter cela est de démontrer que le retard est dû à la mauvaise collaboration du client. En effet, dans un projet informatique, le respect du calendrier passe par une bonne collaboration du client. Donc, si le client ne mobilise pas ses équipes, ne met pas à disposition les données, ou ne conduit pas des tests, le prestataire peut être exonéré de toute faute.
Enfin, le prestataire est le mieux placé pour déterminer si le client lui a donné les bonnes informations, ou si le client ne collabore pas bien. Dès lors, c’est au prestataire d’alerter le client le plus tôt possible pour lui demander précisément ce qu’il attend de lui.
On voit en effet des projets en souffrance avec le prestataire qui tente de rejeter la faute sur le client, mais sans jamais avoir exprimé clairement ce qui devait être fait pour que le projet soit remis en ligne.
Quelques leçons pratiques : si le délai est impératif, il faut l’écrire dans le contrat. Si le calendrier commence à déraper, le prestataire doit alerter son client. A mon humble avis, il faut procéder par escalade progressive : on commence à évoquer le sujet par mail, puis en réunion de comité de pilotage, et très rapidement, il faut alerter chaque responsable du prestataire et du client, et conserver la preuve des alertes. J’ai vu beaucoup de dossiers où des prestataires affirment avoir alerté leur client, et tout cela se résume à quelques mots très flous dans un compte-rendu de réunion. Ce n’est pas suffisant.
Pour aller au-delà, certains projets sont voués à l’échec, par exemple parce que la direction des systèmes d’information n’est pas dotée de moyens suffisants par l’entreprise cliente. Dans ce cas, le prestataire doit être capable de « rendre son tablier » et de mettre fin au contrat. C’est la moins mauvaise solution pour le prestataire et pour le client.
La date de publication de cet article est : 11/05/2021 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information.