Dans une décision très intéressante du 5 mars 2020, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé que parmi les sanctions de la contrefaçon de logiciel, la désinstallation peut être ordonnée.
Les faits sont classiques : un acheteur (l’assistance publique des hôpitaux de Marseille) commande des logiciels à un éditeur (Attachmate). Il en commande 850 licences. L’éditeur réalise un audit, et relève qu’il y en a deux fois plus qui sont utilisées (1700 au lieu de 850). Après des négociations qui n’aboutissent pas, l’éditeur attaque l’acheteur devant le tribunal de Marseille.
Un jugement du 22 juin 2017 a octroyé 270.000 € à l’éditeur. Les hôpitaux font appel devant la cour d’Aix-en-Provence.
L’arrêt de la cour est long et un peu complexe.
Sur le plan pratique, il y a deux enseignements : il faut toujours prendre au sérieux les audits des éditeurs dès le début et il faut mesurer le risque de devoir désinstaller les logiciels en cause.
Sur les audits de licence qui doivent être pris au sérieux, une lettre amiable peut parfois être utilisée contre vous. Par exemple, dans cette affaire, la question de savoir si la violation d’un contrat de licence (parce qu’on a installé plus d’utilisateurs que prévus par la licence) est complexe juridiquement. Si on suit un arrêt de la cour de justice de l’Union Européenne obtenu par le rédacteur de ces lignes (arrêt 666/18 du 18 décembre 2019), cela constitue bien une contrefaçon. Mais on peut discuter ce sujet. Sauf que la cour d’appel s’appuie beaucoup sur le fait que l’APHM a reconnu dans lettre que le logiciel en question est une œuvre protégée par la propriété intellectuelle. La lettre en question était donc un vrai boomerang.
Autre exemple : par bonne volonté, l’APHM a collaboré à l’audit mené par un cabinet de consulting. Et les chiffres collectés dans cet audit ont été utilisés par la cour d’appel pour le calcul des dommages et intérêts. Attention, dans un audit de logiciel, le cabinet de consulting n’est pas votre allié !!!
Le deuxième enseignement est que la cour d’appel a alourdi un peu la condamnation à des dommages et intérêts (360.000 € au lieu de 270.000€), et surtout, que le client doit désinstaller sous astreinte les licences installées sans droit.
C’est une très grande victoire pour cet éditeur.
Deux enseignements concrets donc :
- prendre les audits de licence très au sérieux dès le début (tout ce que vous écrirez pourra être retenu contre vous),
- et mesurer le risque de désinstallation dans la négociation.
La date de publication de cet article est : 29/09/2020 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information.