Dans ce billet, nous allons toucher un point très sensible : les honoraires d’avocats et leur prise en charge par la partie perdante dans un procès civil (au tribunal de commerce ou au tribunal judiciaire).
Maître Eolas avait fait un billet très intéressant sur le sujet en droit pénal.
En résumé, les honoraires peuvent être fixés par l’Etat (c’est l’aide juridictionnelle), et c’est un montant très faible, on l’appelle une indemnisation.
Quand c’est convenu avec le client, les honoraires sont déterminés :
- au temps passé (nombre d’heures * taux horaire). Problème : le client sait rarement au début d’un procès combien le procès va lui coûter,
- au forfait (un procès en droit d’auteur pour 8.000 € par exemple),
- au résultat (seule limite : la loi française interdit que les honoraires soient exclusivement au résultat).
- Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. Ma conviction et ma pratique vont vers le forfait avec une partie de résultat.
Le pire du pire est de ne pas convenir avec son client de convention d’honoraires. La convention est théoriquement obligatoire, mais comme la cour de cassation admet que l’avocat a droit à sa rémunération même en absence d’une convention, les pratiques évoluent lentement.
Sur ce sujet des honoraires, on entend souvent dire que les tribunaux accordent des sommes à la partie gagnante qui sont largement inférieures à ce que le client a payé à son avocat.
Ne tournons pas autour du pot : c’est très souvent vrai.
Mais dans certains domaines, il y a une tendance à octroyer des sommes proches de la réalité. C’est notamment le cas en matière de propriété intellectuelle, à Paris et ailleurs. Pourquoi ? probablement parce que certains avocats ont pris l’habitude (c’est mon cas, j’essaie de le faire à chaque fois) de communiquer leur convention d’honoraires et leurs factures. Donc les juges connaissent les prix pratiqués en fonction de la complexité de l’affaire.
Et dans les affaires où le dossier contient les factures, quand le tribunal statue, il peut déterminer le montant qui doit être octroyé à la « partie gagnante » en connaissance de cause.
Ce n’est pas une garantie d’efficacité, car l’article 700 permet au tribunal de déterminer cette somme de manière discrétionnaire.
Mais, par expérience, c’est très utile : si vous pratiquez un forfait, vous pouvez montrer la base du calcul, avec un nombre d’heures et le taux horaires sur lesquels vous avez estimé votre forfait.
Il faut montrer un taux horaire cohérent avec ce qui est jugé par la cour d’appel (dans le cadre des affaires dites « de taxation »).
Ces montants sont assez flous, et c’est d’ailleurs bien dommage, mais avec un peu de recherche, vous verrez que devant la cour d’appel de Paris, un taux horaire de 350€ pour un avocat spécialiste et expérimenté dans une affaire un peu complexe est admis. C’est plus près de 250€ dans le même cas devant d’autres cours d’appel (Rennes ou Bordeaux).
Certains avocats refusent de montrer leurs factures, car ils estiment que les juges n’ont pas à être les « censeurs » de leurs honoraires. Personnellement, je trouve cette position erronée car le juge est toujours, en cas de désaccord, l’arbitre ultime sur ce sujet. Il y a même une procédure particulière à ce sujet, devant le bâtonnier puis la cour d’appel et finalement la cour de cassation.
En bref, n’hésitons pas à parler d’argent, nous trois : le client, le tribunal et les avocats.
La date de publication de cet article est : 30/04/2020 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information.