Dans un projet informatique, le cahier des charges est le document dans lequel un client (entreprise, association, administration) exprime ses besoins pour pouvoir lancer une consultation auprès d’entreprises (éditeurs ou développeurs de logiciels) afin d’obtenir des offres de leur part. Attention : il n’y a pas de définition officielle ou réglementaire de ce terme, donc il peut y avoir des variantes en pratique.
L’auteur du cahier des charges y inscrit parfois des informations très importantes et très confidentielles.
Il veut alors empêcher que le document ne soit copié et utilisé par d’autres, notamment des concurrents, ou un éditeur de logiciel qui n’a pas été retenu dans la consultation.
Il est donc important de déterminer ce qui peut se faire ou pas avec le contenu d’un cahier des charges, que l’on soit du côté de l’émetteur du document, ou du côté des destinataires du document.
Sur le terrain du droit d’auteur, le cahier des charges n’est généralement pas protégé. C’est une solution donnée par le tribunal administratif de Caen dans jugement du tribunal administratif de Caen du 12 mai 2009 qui a refusé de reconnaître la qualité d’ « œuvre de l’esprit » à un Dossier de Consultation des Entreprises (DCE).
Un consultant avait assisté, dans le cadre d’un marché public « d’assistance à maîtrise d’ouvrage », une Communauté Urbaine à élaborer un DCE (le document de consultation des entreprises, qui est le cahier des charges dans les appels d’offres publics). Le DCE a été élaboré en vue de la passation d’un marché relatif à l’informatisation de la gestion financière de ses services. Une autre communauté urbaine a mis en ligne dans le cadre du lancement d’un appel d’offre un DCE similaire. Le consultant a alors saisi le tribunal administratif en arguant d’une contrefaçon de ses droits d’auteurs. Il a sollicité des dommages et intérêts et la publication du jugement.
Le tribunal a déterminé si le DCE était, ou non, une « œuvre de l’esprit » protégée par le droit d’auteur. La jurisprudence a défini les conditions de protection d’une œuvre de l’esprit au titre du droit d’auteur : l’ « œuvre de l’esprit » ne doit pas être la simple matérialisation d’un savoir-faire. Elle doit présenter une originalité, qui se définit souvent comme le reflet de la personnalité du créateur.
Le tribunal relève l’existence d’un savoir-faire, mais rejette toute originalité au DCE : « il ne résulte pas de l’instruction que ce dossier ait présenté un caractère original ». Le consultant n’est donc titulaire d’aucun droit d’auteur sur le DCE. Ses demandes sont rejetées.
De manière générale, il y a donc peu d’espoir du côté de la propriété intellectuelle classique.
Mais pour l’auteur d’un cahier des charges, il y a peut-être un nouvel outil disponible depuis la directive 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire.
Cette directive a été transposée en droit français aux articles L 151-1 et suivants du code de commerce. Le cahier des charges peut être un document protégé, car la liste des documents protégeables est large (plus dans la directive que dans la loi française). Il faudra prendre la précaution de faire signer un accord de confidentialités par les destinataires du document. Le plus délicat sera de se conserver la preuve que le document revêt une valeur commerciale… Enfin, en pratique, datez votre cahier des charges avec une enveloppe Soleau classique ou électronique, ou un constat d’huissier.
La date de publication de cet article est : 11/09/2019 . Des évolutions de la loi ou de la jurisprudence pouvant intervenir régulièrement, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information.